19/10/2018

Solutions d'automne



Tout, paysage affligé de tuberculose,
Maurice de Vlaminck - Paysage
d'automne, ciel d'orage
Bâillonné de glaçons au rire des écluses,
Et la bise soufflant de sa pécore emphase
Sur le soleil qui s'agonise
En fichue braise...

Or, maint vent d'arpéger par bémols et par dièses,
Tantôt en plainte d'un nerf qui se cicatrise,
Soudain en bafouillement fol à court de phrases,
Et puis en sourdines de ruse
Aux portes closes.

- Yeux de hasard, pleurez-vous ces ciels de turquoise
Ruisselant leurs midis aux nuques des faneuses,
Et le linge séchant en damiers aux pelouses,
Et les stagnantes grêles phrases
Des cornemuses ?
Foujita - Chat en rond

La chatte file son chapelet de recluse,
Voilant les lunes d'or de ses vieilles topazes ;
Que ton delta de deuil m'emballe en ses ventouses !
Ah ! là, je m'y volatilise
Par les muqueuses !

Puis ça s'apaise
Et s'apprivoise,
En larmes niaises,
Bien sans cause...



Jules LAFORGUE


18/10/2018

Chant d'automne




Egon Schiele - Quatre arbres


Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres
Le bois retentissant sur le pavé des cours.

Tout l'hiver va entrer dans mon être : colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé.

J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe ;
L'échafaud qu'on bâtit  n'a pas d'écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.

Il me semble, bercé par ce choc monotone, 
Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part...
Pour qui ? - C'était hier l'été, voici l'automne !
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.


Charles BAUDELAIRE - Les Fleurs du mal






12/10/2018

Chanson d'automne



Les sanglots longs
Des violons
 De l'automne
Blessent mon coeur
D'une langueur
 Monotone.

Tout suffocant
Ernest Bieler - Les feuilles mortes
Et blême quand
 Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
 Et je pleure,

Et je m'en vais
Au vent mauvais
 Qui m'emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
 Feuille morte

Paul VERLAINE, Poèmes saturniens